Lettre du Pape François aux catholiques allemands : « Marchons ensemble sur ce chemin et écoutons-nous les uns les autres sous la conduite de l'Esprit Saint »


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Catégorie : Vie de l'Eglise

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Sur l'Église en Allemagne, aux prises avec un processus synodal interne qui avait suscité et suscite encore diverses réactions, y compris négatives, François rappelle sa lettre « très claire », écrite en juin 2019 : « Je l'ai écrite moi-même. Ça m'a pris un mois. C'était une lettre comme pour dire : "Frères, réfléchissez à ceci". » (vaticannews.va)

Une lettre papale qui touche

Source : ccb-l.com

Il est extrêmement rare, sinon unique, qu'un pape s'adresse aux catholiques d'un pays particulier, comme l'a fait [en juin 2019] le pape François avec sa « Lettre au peuple de Dieu en marche en Allemagne » de 19 pages (voir plus bas).

Il a écrit pour exprimer ses préoccupations au sujet du projet de l'Église allemande d'organiser un "chemin synodale" de deux ans. Le mot allemand Weg a été traduit de diverses manières en anglais par "chemin, processus, procédure ou voyage".

Les évêques ont invité le Comité Central des Laïcs Catholiques Allemands, qui représente plusieurs millions des 25 millions de membres de l'Église, à se joindre à eux dans ce processus synodal pour discuter de réforme et de renouveau ecclésial.

Ils l'ont fait à la lumière de l'exode massif, au cours duquel quelque 216 000 catholiques allemands ont officiellement quitté l'Église en 2018. La plupart d'entre eux ont cité le scandale des abus cléricaux et la perte alarmante de crédibilité de l'Église comme les principales raisons de leur départ.

C'est dans ce contexte qu'a été lancé le projet allemand de chemin synodal. Mais les évêques et les théologiens allemands ont donné une interprétation différente de la lettre que le Pape François a envoyée à son sujet.

Certains ont vu dans la missive un encouragement à poursuivre leurs efforts pour réformer les structures qui ont conduit à des abus et à la perte de crédibilité ce qui, de ce fait, entrave l'évangélisation.

D'autres voyaient dans la lettre du Pape un rappel aux catholiques allemands de ne pas aller seuls de l'avant avec des réformes importantes, car cela mettrait en danger l'unité de l'Église mondiale. Ils comprenaient que le pape disait que l'Église doit avant tout se concentrer sur l'évangélisation.

La majorité des évêques se sont prononcés en faveur de la poursuite du chemin synodal, y compris le président de la conférence épiscopale, le cardinal Reinhard Marx de Munich, âgé de 66 ans.

Il a déclaré au Frankfurter Allgemeine Zeitung qu'il en était convaincu après la publication du rapport de l'Eglise allemande d'octobre 2018, qu'il a qualifié de grand choc. « Le décalage entre l'apparence [de l'Église] et la réalité m'a profondément troublé et a changé mon attitude envers ma foi », dit Marx.

Mais une petite minorité d'évêques — dirigée par le cardinal Rainer Maria Woelki, 63 ans, de Cologne, et Mgr Rudolf Voderholzer, 59 ans, de Ratisbonne — s'est opposée à cette « procédure synodale ». Woelki a averti que cela menacerait l'unité que les catholiques allemands partagent avec l'Église universelle et conduirait à l'établissement d'une Église nationale.

François à l'Église allemande : marcher ensemble, animés par l'Esprit

En date du 29 juin 2019, le pape François a adressé une longue lettre aux catholiques allemands souhaitant « aborder et partager (leur) préoccupation quant à l'avenir de l'Église en Allemagne ». Cette lettre nous aide à comprendre quelle est la vision réelle de François du cheminement synodal. Elle nous permet aussi de voir que le Saint-Père ne reste pas silencieux par rapport à la situation de l'Eglise allemande.

Source : vaticannews.va

Le Pape apporte sa contribution au parcours synodal de l'Église d'Allemagne dans une Lettre publiée [le 29 juin 2019]. François exprime son appréciation pour l'Église allemande et l'exhorte à ne pas marcher seule, soulignant le rôle central de l'Esprit Saint dans le renouvellement ecclésial.

« Nous sommes tous conscients que nous vivons non seulement une époque de changement, mais aussi un changement d'époque qui soulève des questions nouvelles et anciennes, face auxquelles un débat est justifié et nécessaire. »

Au début de sa lettre, le Pape François indique clairement qu'il est conscient de la situation dramatique de l'Église d'Allemagne et offre son soutien à la réflexion en cours. La Lettre est une contribution du Pape au cheminement synodal décidé par les évêques lors de leur Assemblée plénière en mars dernier. L'Église souhaite discuter des thèmes centraux de sa crise avec des représentants laïcs et des experts extérieurs. Le point de départ de ce cheminement est constitué par une étude commandée par les évêques eux-mêmes sur la question des abus sexuels commis par des membres du clergé et des religieux. Mais il y a également d'autres questions, comme le vieillissement des communautés, la carence des vocations, le rejet de la doctrine sexuelle catholique et la question du mode de vie des prêtres.

Contribution au débat

Le Pape François ne répond pas directement à ces questions concrètes. Sa contribution constitue une base spirituelle au débat. Il ne propose pas de solutions, ni interdit les discussions, mais dans le style d'Evangelii gaudium, il rappelle le caractère central de l'Esprit Saint.

Son approche de la question est liée à l'unité de l'Église: « Chaque fois qu'une communauté ecclésiale a voulu affronter seule ses problèmes, en s'appuyant uniquement sur ses propres forces, sur sa méthode et son intelligence, elle a fini par multiplier et entretenir les maux qu'elle voulait surmonter. »

Le Pape souligne deux des grandes forces et caractéristiques de l'Église allemande: « Les communautés catholiques d'Allemagne, dans leur diversité et leur pluralité sont reconnues dans le monde entier pour leur sens de coresponsabilité et leur générosité », affirme-t-il. Il s'agit d'une Église de la main tendue. En second lieu, François évoque le « chemin œcuménique parcouru ».

Outre ces caractéristiques positives, la raison du changement d'époque arrive en troisième position : « Aujourd'hui, cependant, avec vous, je constate avec douleur l'érosion et la détérioration croissante de la foi avec tout ce que cela implique non seulement sur le plan spirituel, mais aussi sur le plan social et culturel », un déclin multiforme, « ni simple ni rapide à résoudre », écrit le Pape.

Synodalité et centralité de la foi

François s'attarde sur le sens de la synodalité, en soulignant une « double perspective », dans la mesure où elle se réalise dans un premier temps « de bas en haut » avant de se réaliser ensuite seulement, « de haut en bas ». La vie quotidienne et la vie concrète dans les différents lieux sont donc prioritaires.

Dans cette lettre, la centralité de la foi, de l'évangélisation et surtout de l'Esprit Saint sont soulignés à plusieurs reprises sous des angles différents. Traduit dans la vie quotidienne, « cela stimule l'émergence et la continuation de processus qui nous construisent en tant que peuple de Dieu, au lieu de chercher des résultats immédiats avec des conséquences prématurées et médiatiques ». Une mise en garde contre une fausse réforme résonne dans ce texte, à la suite d'Evangelii gaudium.

Pour suivre la voie synodale — observe le Pape — il faut avant tout du courage. En même temps, cependant, il faut aussi veiller à ne pas tomber dans les pièges tendus le long de la route ; pièges que François appelle « tentations ».

« A la base de cette tentation se trouve la conviction que la meilleure réponse aux nombreux problèmes et lacunes du moment passe par une réorganisation des choses : Changer les choses puis les "remettre ensemble" pour mettre de l'ordre et faciliter la vie ecclésiale en l'adaptant à la logique actuelle ou à celle d'un groupe particulier ». Or, pour François, une réalité ecclésiale organisée ne résout rien car elle a aussi besoin de la « morsure de l'Évangile » et de sa fraîcheur.

L'évangélisation, critère directeur

Il est nécessaire de procéder avec sagesse. La vision rationnelle des problèmes a du sens, mais ce n'est pas l'accomplissement de « notre façon d'être fidèles ». François repart de son message central : « la conversion pastorale ». L'évangélisation doit être le « critère directeur par excellence ».

La centralité de l'Esprit façonne aussi la conduite des débats: « La vision synodale n'élimine ni les contradictions ni la confusion » et ne subordonne pas les conflits à de faux compromis.

« L'évangélisation ainsi vécue n'est pas une tactique de repositionnement de l'Église dans le monde d'aujourd'hui », observe le Pape François . Ce n'est pas une « retouche » qui adapte l'Église à l'esprit du temps, qui lui ferait perdre son originalité et sa mission prophétique. D'autre part, l'évangélisation ne signifie pas « une tentative de retrouver des habitudes et des pratiques qui ont du sens dans d'autres contextes culturels ».  C'est là un double rejet de ceux qui cherchent le salut par l'adaptation [progressisme] ou le traditionalisme.

Pour ne pas rester confiné dans l'abstrait, le Pape indique les objectifs d'une véritable réforme : partir à la rencontre des frères et sœurs, et spécialement des marginaux, des plus faibles, dans le contexte d'une culture du rejet et qui entretient souvent des « discours xénophobes ».

Marchons ensemble

Encore une fois, François revient sur le thème de la synodalité et son besoin de « Sensus Ecclesiae » vivant, une nécessité commune à toute l'Église, car le chemin parcouru ne doit pas finir « isolé dans ses particularités ».

... veill[ons] à ce que le Sensus Ecclesiae se retrouve également dans toutes les décisions que nous prenons et s'enrichisse à tous les niveaux. Il s'agit de vivre et de ressentir avec l'Église et dans l'Église, ce qui, dans de nombreuses situations, nous amènera également à souffrir dans l'Église et avec l'Église. L'Église universelle vit dans et parmi les Églises particulières, tout comme les Églises particulières vivent de l'Église universelle et s'épanouissent en son sein ; si jamais elles sont séparées du reste du corps ecclésial, elles s'affaiblissent, se fanent et meurent. D'où la nécessité de toujours maintenir vivante et efficace la communion avec l'ensemble du corps de l'Église".

« Les défis qui nous attendent, les différentes interrogations qui émergent, ne peuvent être ignorés ou cachés. Ils doivent être affrontés dans le souci de ne pas s'enliser et de ne pas les perdre de vue, ce qui rétrécirait nos horizons et notre réalité ». C'est ainsi que le Pape résume sa conception du cheminement synodal. Tout le monde, et en particulier les « simples et les petits», doit être entendu.

Enfin il ajoute : « Marchons ensemble sur ce chemin, comme un corps apostolique, et écoutons-nous les uns les autres sous la conduite de l'Esprit Saint, même si nous ne pensons pas de la même manière. » François conclut : « Que le Seigneur nous montre le chemin des Béatitudes. »

Lire la lettre complète : Sensus ecclesiae et synodalité, mots clés de la lettre du pape François adressée aux catholiques allemands

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Commentaire laissé par Rébécca le

Oui, le salut ne dépend que de notre relation, en esprit et en vérité, à Dieu ( relation personnelle et communautaire), puisqu'Il est Lui-même notre salut… seulement Lui.

J'aimerais tellement partager votre compréhension avec tant d'autres qui n'entendent pas derrière tout ça les sollicitudes gratifiantes en vue de notre rédemption et ne retiennent que le « rejet » !

« rejet de ceux qui cherchent le salut par l'adaptation [progressisme] ou le traditionalisme. »

En effet, bien sûr, Il ne s'agit pas du rejet de ces personnes mais de leurs modes de fonctionnement …qui divergent de la vie Évangélique demandée par le Père : « revêtir le Christ, chercher à Lui ressembler, entrer dans les sentiments du Christ… "laisse l'Amour de Dieu traverser ton cœur pour rejoindre tout frère que le Seigneur te donnera de rencontrer" » (ch,1 rdV Pierre d'Angle)

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Commentaire laissé par MAH le

Je reçois aujourd'hui dans ma boîte mail cette lettre du St Père écrite à l'Église d'Allemagne en 2019. Sur cette même page, on découvre plus bas cet article bien plus récent de Nov 2022.

https://pierre-et-les-loups.net/ce-qui-vient-de-se-derouler-a-rome-avec-les-eveques-allemands-sera-devastateur-pour-l-unite-de-l-eglise-1033.html?show=

Deux dossiers qui s'opposent ainsi sur quasiment une même page, me font penser aux injonctions paradoxales qui au lieu d'éclairer le lecteur le laissent dans le doute.

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Réponses apportées à ce commentaire :

Commentaire laissé par Rébécca le 29/01/2023 à 01:19

Ce « dossier » parle de ce qui s'est passé au Vatican en novembre 2022 c'est une description du Père Raymond J. de Souza et ses inquiétudes… les échanges individuelles du pape François y sont inconnus !…
On y trouve une invitation à lire cet article très réaliste et clair :
« Les évêques allemands pris au piège qu'ils se sont eux-mêmes tendus » ( Belgicatho)

Aucune opposition entre les 2 « dossiers » mais plutôt ( aussi curieux que cela puisse paraître): la Lettre du Pape François aux catholiques allemands : « Marchons ensemble sur ce chemin et écoutons-nous les uns les autres sous la conduite de l'Esprit Saint » de 2019 éclaire la position de la sainte Église ! , et l'article du Belgicato confirme l'autorité spirituelle du Pape et a de quoi rassurer le lecteur et peut-être même le Père de Souza ! ( …peut-être pas les évêques allemands, mais tout ça c'est en vue du Salut de leur communauté et de leur propre Salut… )

Alors aucun doute pour moi.

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