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Le nouveau paganisme - partie 1

Quel enfant n'aime pas les bonbons ? Pourtant, laissez courir librement ce même enfant dans un magasin de sucreries, en le laissant manger tout ce qu'il désire... et très vite, il aura envie de légumes.

Le grand vide

Lorsque l'archevêque de Philadelphie, Mgr Chaput, se rendit au Canada il y a dix ans, il fit un aveu surprenant :

... il n'y a pas de façon aisée de le dire. L'Eglise aux Etats Unis a fait un piètre travail de formation de la foi et de la conscience des catholiques pendant plus de 40 ans. Et aujourd'hui, nous en récoltons les fruits — sur la place publique, dans nos familles et dans la confusion de notre vie personnelle.

— Archevêque Charles J. Chaput, « Rendre à César ce qui est à César : la vocation politique catholique », 23 février 2009 ; catholicnewsagency.com

Mais cela ne concerne pas que les États-Unis :

La crise spirituelle concerne le monde entier. Mais elle a sa source en Europe. Les peuples d'Occident sont coupables d'avoir rejeté Dieu... L'effondrement spirituel a donc un aspect proprement occidental.

— Cardinal Robert Sarah, nd-chretiente.com, 5 avril 2019

Pendant de nombreuses décennies, la plupart des homélies et autres prédications n'ont été, à quelques exceptions près bien sûr, rien d'autre que des "sucreries" (mais aussi ce qui est enseigné aux jeunes dans un nombre grandissant d'écoles et de familles catholiques, ndtr) ; les calories vides que l'on retrouve dans ces innovations modernistes ont complètement drainé la Sainte Tradition de sa richesse mystique et surnaturelle. Les miracles du Christ ? Ce ne sont que des histoires. Les apparitions de Notre Dame ? Hallucinations pieuses. L'Eucharistie ? Purement symbolique. La messe ? Une célébration, non pas un Sacrifice. Les charismes du Saint-Esprit ? Délires émotionnels.

Religieux par nature

Mais l'homme, par nature, est un être spirituel. Nous avons été créés pour la vie mystique et surnaturelle. « Tu nous as faits pour Toi Seigneur et notre cœur est sans repos tant qu'il ne repose en Toi », a déclaré saint Augustin. Là se trouve la clé pour comprendre le proche avenir de l'Église et du monde à la fin de cet âge.

Le désir de Dieu est inscrit dans le cœur de l'homme, car l'homme est créé par Dieu et pour Dieu... De multiples manières, dans leur histoire, et jusqu'à aujourd'hui, les hommes ont donné expression à leur quête de Dieu par leurs croyances et leurs comportements religieux (prières, sacrifices, cultes, méditations, etc.). Malgré les ambiguïtés qu'elles peuvent comporter, ces formes d'expression sont si universelles que l'on peut appeler l'homme un être religieux.

Catéchisme de l'Église catholique, n° 27-28

Je suis toujours étonné de voir comment des personnes qui ne vont pas à l'église sont capables d'engager une discussion spirituelle. En effet, depuis l'aube de la création, l'homme aspire à la transcendance : nous voulons voir Dieu.

L'accomplissement

Dieu a répondu à cette aspiration à travers l'Incarnation et la révélation de Jésus-Christ. Lorsque les premiers Apôtres sortirent du Cénacle, remplis du Saint-Esprit, le christianisme a littéralement explosé du jour au lendemain. Des milliers de juifs et de païens se convertirent au catholicisme — une religion de prodiges et de miracles, riche en magnifiques symboles et en chants sacrés, proposant une solide philosophie et une profonde théologie qui finirent par transformer l'Empire romain. Au cours des siècles suivants, cette réalité mystique fut enrichie par l'art sacré ; d'imposantes cathédrales furent érigées ; des hymnes sublimes et de saintes liturgies naquirent. Les âmes furent transportées par les parfums d'encens, par la lumière éclatante des bougies, et par de prestigieuses représentations théâtrales sacrées. Combien d'âmes firent alors l'expérience de l'Étincelle divine par le seul fait de pénétrer dans une église catholique !

Mais aujourd'hui, un grand vide s'est formé. L'intellectualisme aride et l'hyper-rationalisme de l'Église occidentale ont vidé le catholicisme de sa dimension surnaturelle. Notre amour s'est refroidi ; notre dévotion s'est éteinte ; la flamme de la foi vacille dans de nombreuses régions du globe. Aussi, qu'est-ce que l'Église a à offrir au monde si elle néglige [cette dimension essentielle] ? Sans son lien au surnaturel (à savoir, la puissance de vie et de sanctification du Saint-Esprit), même nos plus belles cathédrales ne sont plus que de simples musées.

Les friandises de Satan

Au même moment, les « erreurs de la Russie », comme les appelait Notre-Dame de Fatima, se sont répandues à travers le monde : athéisme, darwinisme, matérialisme, marxisme, socialisme, communisme, relativisme, féminisme radical, etc. Ce sont là autant de friandises que nous tend Satan — des sophismes qui émoustillent l'orgueil de l'homme et le bercent de la fausse promesse d'une douce utopie temporelle. Comme avec le fruit appétissant de l'Arbre de la connaissance du bien et du mal, le serpent ancestral nous a promis une corbeille remplie d'irrésistibles friandises : « vous serez comme des dieux ». [1] Ainsi a-t-il lentement conduit l'humanité, décennie après décennie, vers ce qui semble être la friandise la plus délicieuse de toutes : l'individualisme, par lequel nous devenons les maitres de nos vies, redéfinissant non seulement notre nature, mais altérant les éléments mêmes du cosmos, y compris notre ADN. Or, l'homme nouveau de cette révolution anthropologique n'a rien du tout d'un homme :

Le Nouvel Âge qui s'annonce sera peuplé d'être parfaits, androgynes, maîtrisant entièrement les lois cosmiques de la nature. Dans ce scénario, le christianisme doit disparaître pour faire place à une religion globale et à un nouvel ordre mondial.

Jésus Christ, le porteur d'eau vive, n° 4, Conseil pontifical de la culture et pour le dialogue interreligieux

Le problème est mondial ! ... Nous sommes en train de vivre un moment d'anéantissement de l'homme en tant qu'image de Dieu.

— PAPE FRANÇOIS, Rencontre avec les évêques polonais à l'occasion des Journées mondiales de la jeunesse, 27 juillet 2016 ; Vatican.va

Cette exaltation surdimensionnée de l'ego s'accompagne toutefois de signes révélateurs attestant que le fruit appétissant est empoisonné. Le taux de suicide monte en flèche ; la consommation de drogues augmente à un rythme effréné ; la pornographie, les jeux vidéo et les "divertissements" abrutissants plongent dans l'engourdissement d'innombrables âmes qui se réfugient ensuite dans les antidépresseurs pour compenser la nausée que provoquent ces vaines promesses de paradis artificiels sur lesquels plane le visage de la mort. Pourquoi ? Parce que l'homme postmoderne est fondamentalement le même : il est « par nature et par vocation un être religieux » [2], et par conséquent, il sent bien qu'on lui a fait avaler un mensonge — alors même qu'il se précipite déjà vers le prochain shot de dopamine. Quelque chose, au fond de lui, aspire au surnaturel ; son esprit a soif de transcendance ; son intelligence recherche désespérément un but et un sens à sa vie, ce que seule la dimension spirituelle peut lui procurer.

Oui, les âmes se réveillent aujourd'hui. Et à peine réveillées, elles ont commencé à se révolter contre le statu quo. La Grande Révolution, face à laquelle je mets mes lecteurs en garde depuis des années, déferle désormais à un rythme effréné vers une "ultime confrontation" qui risque de se révéler épique. La génération actuelle, celle des Greta Thunbergs, David Hoggs et Alexandria Ocasio-Cortezs, a commencé à tambouriner aux portes du magasin de bonbons.

Ils sont prêts pour qu'on leur serve à nouveau des légumes.

Mais où vont-ils ? Vers une Église qui, selon les médias dont ils sont consommateurs, est un repère de pédophiles ? Vers une Église où ils risquent d'être accueillis par des chrétiens aux visages d'enterrement ? Vers une Église qui ressemble de plus en plus à une caisse de résonnance du spiritus mundi — de l'esprit du monde ?

Non, ils se tournent dans une autre direction. Et cela fait partie du plan de Satan depuis le début...

À SUIVRE... « The New Paganism – Part II »

Mark Mallett
The New Paganism – Part I


[1] Gn 3: 5
[2] CEC, n° 44